Quand on pense à l’horlogerie, les noms de Genève, Bienne ou encore Le Locle viennent immédiatement à l’esprit. On imagine des artisans suisses, travaillant avec minutie dans les montagnes, façonnant des montres de précision devenues synonymes de luxe et de savoir-faire. Pourtant, loin de ces ateliers alpins, une autre ville a joué un rôle fondamental dans la diffusion et le développement de l’industrie horlogère, notamment aux États-Unis : Chicago.
Un carrefour commercial stratégique

À la fin du XIXe siècle, Chicago est en pleine expansion. Située au cœur des États-Unis, au croisement de grandes voies ferroviaires et fluviales, la ville devient un véritable carrefour commercial. Elle attire des industries, des investisseurs, et devient une plaque tournante pour la distribution de biens manufacturés, y compris les montres.
Ce positionnement géographique a permis à Chicago de jouer un rôle central dans la vente et la diffusion massive de montres, fabriquées en particulier dans les usines de la région. L’une des grandes marques américaines de l’époque, Elgin National Watch Company, était d’ailleurs installée à Elgin, une ville située à seulement 60 km au nord-ouest de Chicago.
Elgin : le géant de l’horlogerie à la porte de Chicago

Fondée en 1864, l’Elgin National Watch Company est rapidement devenue l’un des plus grands fabricants de montres au monde. À son apogée, l’usine employait des milliers de personnes et produisait plusieurs millions de montres par an. Elgin proposait des produits à la fois précis, durables et abordables, ce qui a permis de démocratiser l’horlogerie auprès d’un large public.
Et c’est là que Chicago entre véritablement en jeu : grâce à ses infrastructures ferroviaires et à son rôle de centre de distribution national, la ville a facilité la commercialisation à grande échelle des montres Elgin, mais aussi celles d’autres marques américaines comme Waltham ou Hamilton. Les grandes maisons de vente par correspondance installées à Chicago – comme Sears, Roebuck and Co. ou Montgomery Ward – ont permis de diffuser ces montres dans tous les foyers américains, y compris dans les zones rurales les plus éloignées.
L’exposition universelle de 1893 : une vitrine mondiale
Un autre événement majeur a marqué la place de Chicago dans l’histoire de l’horlogerie : l’Exposition universelle de 1893. Organisée pour célébrer les 400 ans de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, cette exposition a accueilli plus de 27 millions de visiteurs et servi de vitrine internationale pour les avancées industrielles.
Les manufactures horlogères y ont présenté leurs innovations, exposé leurs mécanismes et démontré la capacité de l’industrie américaine à rivaliser avec les productions européennes. C’était une période de grande confiance industrielle pour les États-Unis, et Chicago en était la vitrine. Pour de nombreux visiteurs américains et étrangers, c’était une première rencontre avec l’horlogerie « Made in USA ».
Le rôle des chemins de fer
L’essor du chemin de fer, dont Chicago était un nœud central, a également contribué à renforcer l’importance de l’horlogerie. À l’époque, la ponctualité des trains était une question de sécurité. Le besoin de montres fiables et précises a conduit à la standardisation de l’heure et à l’émergence de montres dites “railroad grade”, conçues pour répondre aux exigences strictes des compagnies ferroviaires.
Chicago, en tant que hub ferroviaire majeur, a vu passer non seulement les montres, mais aussi les normes. C’est depuis cette ville que se sont répandues des pratiques commerciales, des standards de qualité, et une culture de la mesure du temps liée à la mobilité et à la modernité.
Déclin et héritage
Comme beaucoup de villes industrielles, Chicago a vu décliner son influence dans l’horlogerie avec la montée en puissance du quartz japonais dans les années 1970. Elgin a fermé ses portes, les usines se sont tues, et les grandes marques américaines ont disparu ou ont été rachetées.
Mais l’héritage demeure. Aujourd’hui, Chicago est toujours une ville où l’on trouve une culture horlogère vivace. Des boutiques spécialisées, des événements de collectionneurs, des startups horlogères indépendantes et même des écoles d’horlogerie témoignent d’un retour de l’intérêt pour le métier. Par ailleurs, sachez qu’Objectif Horlogerie propose des ateliers d’initiation à l’horlogerie à Chicago depuis 2025.
Non, Chicago n’est pas le berceau de l’horlogerie – cet honneur revient sans conteste à la Suisse. Mais la ville a été un acteur-clé de son développement commercial et industriel aux États-Unis. Grâce à son réseau de transport, son dynamisme économique et sa proximité avec des grands centres de production comme Elgin, elle a joué un rôle central dans la diffusion de l’horlogerie américaine au tournant du 20ᵉ siècle.
Une histoire méconnue, mais qui mérite d’être redécouverte par tous les amateurs de montres… et d’histoire.